Alors que la Wii piétine technologiquement, Nintendo s’apprête à sortir sa nouvelle console, Project Café, qui devrait être présentée à l’E3 de Los Angeles. Flu fait le point sur les premières indiscrétions.
A l’approche de l’E3 de Los Angeles, Nintendo a commencé à parler de sa future console de salon, le Project Café. De la part du constructeur, on sait qu’elle sera révélée à la Presse lors de l’E3 en juin, mais les détails sur la machine quant à eux proviennent de différentes sources, d’indiscrétions. En les rassemblant, on parvient à se faire une idée de ce que sera Project Café, un adversaire technologique de la PS3 et de la 360, doté d’une particularité très Nintendo : Un écran tactile sur la manette.Dès la sortie de la Wii, les différents développeurs s’étaient aussitôt intéressés aux possibilités offertes par la Wiimote. Ce qu’elle proposait, sur le plan matériel, n’était en effet pas son point fort, puisque beaucoup l’avaient comparé à une GameCube+, une machine largement en deçà de la 360 et de la PS3, qui s’attaquaient au marché de la HD. Le Président de Nintendo Japon, Satoru Iwata, avait justifié le partis-pris de ses ingénieurs en déclarant à l’époque qu’il ne croyait pas à l’essor de la TV HD.
L’avenir lui donna tort et la Wii, avec son architecture obsolète et sa résolution en 480p, a convaincu le grand public avec le formidable potentiel de sa manette à accéléromètres. L’idée n’était pas nouvelle, mais Nintendo l’avait mise en place d’une manière séduisante, fraîche, et le constructeur avait communiqué dessus pour la rendre évidente auprès du grand public. Un succès qui se constate aujourd’hui avec plus de 86 millions Wii vendues, contre 50 et 53 pour la PS3 et la 360.
Depuis début 2010, pourtant, la Wii donne des signes de faiblesse, conséquences d’une saturation ludique qu’on avait toutefois pu voir venir depuis les premières années de vie de la console.
Un Poject Café pour réveiller les joueurs
Pour mieux comprendre la nécessité du Project Café dans l’économie de Nintendo, il faut d’abord comprendre pourquoi la Wii piétine. D’après Satoru Iwata, elle ne surprend plus le public, et c’est pour cela qu’une nouvelle machine doit renouveler sa curiosité. Certains analystes sont même étonnés que la Wii ne stagne qu’en 2010, soit un peu plus de trois ans après sa sortie fin 2006.
Plusieurs raisons à cela. Les possibilités de la Wiimote en terme de gameplay ont rapidement été explorées, survolées par la plupart des studios pour mettre en place des mécaniques de jeu simplistes et répétitives, adapter des titres étrangers au mouvement par le biais de commandes superflues. Les studios n’ont pas vraiment compris ce qu’on pouvait tirer de la Wiimote, sauf une poignée d’entre eux, dont Grasshopper de Goichi Suda, qui produit un No More Heroes très proche de son support.
On pouvait utiliser la Wiimote comme une manette traditionnelle, l’agiter pour augmenter la puissance d’une attaque, viser, donner des coups de sabre, et écouter des messages préenregistrés sur le haut-parleur du manche. On était en mi-2007, et un créateur avait déjà extirpé toutes les fonctions de la manette, ce que très peu ont réussi à reproduire depuis.
C’est en réalité dès 2008 qu’on peut considérer que la Wii n’avait plus rien à dire. Wii Music de Shigeru Miyamoto, concepteur tout-puissant au sein de Nintendo, avait concrétisé sa vision d’une Wiimote versatile, et d’une pédagogie musicale. En pratique, on mimait des instruments sans conséquence sur la mélodie jouée, puisque les boutons faisaient avancer une piste midi note à note. La Wii montrait, par le décalage entre l’ambition de son créateur et sa manifestation ludique, à quel point son discours pouvait être limité.
A partir de là seulement quelques jeux de niche auront tenté des audaces de gameplay. Noyés dans la masse des portages, des remakes, des titres budget, qui saturaient le catalogue de la Wii, ce n’était qu’une question de temps pour que le grand public s’aperçoive que l’interface ne lui suffisait plus. Il lui fallait du contenu, de la technologie.
Dans ce contexte, le Project Café arriverait à un moment où la Wii s’effondre, avec de nouvelles idées capables de capter les clients. Mais que propose Nintendo pour concurrencer des consoles qui se tournaient dès 2006-2007 vers la haute définition, et pour lesquelles les fabricants envisagent un cycle de vie de 10 ans ?
Revenir sur le devant de la scène high-tech
Grâce aux nombreuses fuites d’informations concernant le Project Café, on arrive à se faire une idée de la machine que Nintendo dévoilera à l’E3 en juin prochain. Pour le moment, on sait qu’elle sera capable de d’afficher des jeux en haute-définition, sans qu’on soit sûr de la résolution. Selon les sources, on hésite entre 1080p et 1080i, soit l’équivalent des autres consoles, qui tournent la plupart du temps en 720p, quoiqu’elles prétendent.
Par ailleurs, le format de disque employé par le Project Café permettrait de stocker 25Go de données, ce qui correspond à un Blu-Ray simple couche. Ce serait l’hypothèse la plus évidente, Nintendo ayant compris avec les mini-DVD de la GameCube que les formats exotiques n’avaient aucun avenir. Il se peut d’ailleurs que les jeux ne tournent que sur disque, car on a appris récemment que la console n’aurait pas de disque dur, en utilisant plutôt de la mémoire flash en 8Go. C’est peu comparativement aux disques durs de 250Go ou 320Go que proposent Microsoft et Sony pour leurs machines, mais Nintendo envisage peut-être un stockage externe. On connait le constructeur pour son goût de l’accessoire et de la mise à jour matérielle indispensable.
Malgré tout, une rétrocompatibilité est espérée entre Wii et Project Café, comme c’était le cas avec Wii et GameCube. Ce serait une façon de ne pas trop insister sur l’obsolescence prématurée de la console précédente.
Les entrailles du Project Café devraient contenir un processeur a trois cœurs de type Power PC, ce qui est une architecture semblable à celle de la Xbox 360. Pour le processeur graphique, on s’attend à une technologie AMD/ATI qui s’inspirerait des performances de la génération Radeon R700. Ce modèle, sorti en 2008, permet de gérer DirectX 10 et donc les derniers shaders sur le marché, mais s’est vu depuis supplanté par d’autres. Juger du rendu graphique uniquement à partir de dates de conception serait néanmoins hâtif, car le processeur graphique de la PS3 repose sur une architecture nVidia de 2005-2006, et continue à nous surprendre 5 ans plus tard.
Ainsi, les quelques développeurs qui ont déjà reçu des kits de développement murmurent que le Project Café aurait des capacités graphiques égales à celles d’une Xbox 360, et une puissance de calcul légèrement supérieure à cette dernière. La PS3 a donc peut-être trouvé son égale.
Le tactile, la touche Nintendo
Ce qui fera la particularité du Project Café ne sera probablement pas son aptitude à digérer du code et lisser des polygones, mais l’interface que le constructeur envisage pour sa console. Il est en effet question d’une manette disposant d’un écran tactile intégré, dont les fonctions rappellent le lien entre la Game Boy et GameCube.
D’après les informations collectées, la manette aurait huit boutons, deux sticks analogiques, un appareil photo/caméra et un écran tactile de 6,2 pouces d’une résolution estimée de 800x500 pixels. Un ensemble de 6 capteurs semblables au SIXAXIS de la PS3 accorderait une détection des mouvements, comme pour la Wiimote.
Sachant que la 3DS affiche 400x240, la PSP 480x272 et que la future portable de Sony, la Next Generation Portable, se positionne sur 960x544, ce serait un compromis honnête pour les applications supposées.
Quelles applications, d’ailleurs ? Cet écran tactile devrait en théorie servir de seconde interface comme c’est le cas du second écran de la DS et de la 3DS, ou d’un complément d’informations, comme lorsque la Game Boy se branchait par câble à la GameCube.
Il est également suggéré que cet écran serve à regarder des films en streaming depuis la console, ou même se jouer en streaming par réseau sans fil, la manette faisant alors office de console portable.
En introduisant le jeu nomade local, et en capitalisant sur une interface à laquelle le public est habitué grâce aux smartphones et consoles de la gamme DS, Nintendo donne au Project Café une forme de flexibilité dans la consommation du divertissement, qui n’est pas sans intriguer les analystes.
Trop serré, le Project Café ?
Si l’on en croit les bruits de couloirs, la console serait prête pour un lancement fin 2011, mais une fenêtre de printemps 2012 serait plus probable. L’arrivée du Project Café mettrait les trois constructeurs à pied d’égalité, propulsant Nintendo dans le domaine de la haute-définition et des prouesses graphiques, mais cela n’empêche pas certains d’être sceptiques quant à sa réussite.
Devant les fonctionnalités que la manette semble accumuler, des doutes se manifestent par rapport à leur nécessité. L’aspect couteau-suisse est vu comme un excès qui pourrait intimider le consommateur, pendant que d’autres craignent que l’arsenal d’interactions soit négligé par les développeurs, comme la Wiimote et son Nunckuck n’ont jamais réellement été mis à contribution au mieux de leur potentiel.
Entre streaming multimédia et ludique, interface tactile et cinétique, console de salon et portable, le positionnement du Project Café devra être clarifié par Nintendo, car à vouloir tout faire, cette nouvelle console pourrait ne rien accomplir. Le constructeur devra persuader les spécialistes mais surtout le grand public que ce qu’il offre est essentiel à l’expérience ludique, car depuis la 3DS, il semble perdu dans un anecdotisme technologique, une production dérivative.
Nintendo devra donc nous convaincre que Project Café est l’évolution la plus pertinente de l’industrie vidéoludique, il lui faudra retourner à cette limpidité qui avait fait triompher la Wii. C’est en cela que le bond technologique du Project Café est peut-être le pire ennemi de Nintendo, dans sa conquête d’un public qui avait été séduit par des évidences.
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